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Une rentrée de cauchemar pour le Conseil fédéral
Opinion
La débâcle des F-35 et le fiasco des tarifs douaniers entament sérieusement la crédibilité du gouvernement. Éditorial Arthur Grosjean Correspondant au Palais fédéral Publié aujourd'hui à 08h35
Que ce soit pour l'achat des F-35 ou les négociations avec Trump, le Conseil fédéral a fait preuve de naïveté.
Arthur Gamsa (Chancellerie fédérale)
Les vacances sont finies, et pour le Conseil fédéral, la rentrée politique s'avère cauchemardesque. Coup sur coup, il se prend des claques, que ce soit sur les droits de douane imposés par les États-Unis ou l'achat des nouveaux avions de combat F-35.
La faute à un Donald Trump imprévisible et à la loi du plus fort ? C'est la petite musique qu'on essaie de diffuser du côté de la Berne fédérale. Mais c'est oublier un peu vite la naïveté et l'aveuglement du gouvernement suisse dans les deux affaires.
Mercredi dernier, le nouveau ministre de la Défense, Martin Pfister, annonce en termes alambiqués que le Conseil fédéral fait machine arrière. Après avoir encore joué les caïds en juin sur son prix fixe et garanti à 6 milliards de francs pour les F-35 , il lâche l'affaire. Il confesse que les «négociations» n'ont débouché sur rien et que la Suisse paiera le prix voulu par les Américains. Soit 650 millions à 1,3 milliard de plus.
Un scandale? Pas selon Martin Pfister, qui n'y voit aucun problème avec les promesses faites au peuple en 2020 lors de la votation sur les avions. Il défend même sa prédécesseure Viola Amherd, qui martelait que la Suisse ne débourserait pas un franc de plus grâce à un contrat en béton… avant d'abandonner précipitamment son département en début d'année.
Martin Pfister se réfugie derrière un avis de droit pour continuer à défendre la pertinence du «prix fixe». Mais il fait complètement l'impasse sur le fait que le Contrôle fédéral des finances avait tiré la sonnette d'alarme. Ce qui frappe encore, c'est la nonchalance avec laquelle le ministre centriste se dit prêt à signer de nouveaux contrats avec les Américains, bien qu'il déplore devoir accepter la loi du plus fort en cas de divergence.
Et que dire de la présidente de la Confédération, Karin Keller-Sutter? Cette conseillère fédérale solide a tellement été portée aux nues dans les médias qu'elle pensait sans doute pouvoir marcher sur l'eau. Résultat? Alors qu'elle se vantait d'avoir un bon contact avec Donald Trump en avril, elle s'est fait rouler dans la farine comme une débutante fin juillet. La Suisse hérite de 39% de droits de douane contrairement à l'Union européenne, au Royaume-Uni ou… au Liechtenstein. Un fiasco politique dû à un attentisme coupable et à une naïveté étonnante.
Tout le monde commet des erreurs, certes. Et comme dirait le transparent ministre des Affaires étrangères, Ignazio Cassis, il est facile depuis le banc de touche de dire ce qu'il aurait fallu faire de mieux.
Il n'en reste pas moins que cette rentrée politique cauchemardesque du Conseil fédéral risque de coûter cher à la Suisse, au propre et au figuré. Alors que le pays doit reconstituer ses réserves financières bien entamées après la très coûteuse crise du Covid, les partis auront beau jeu de dire que ce n'est plus le bon moment avec la crise américaine. De plus, un Conseil fédéral affaibli, avec une ministre des Finances dont l'étoile a pâli, pourra difficilement maîtriser le budget fédéral et empêcher l'explosion future des dépenses dans les assurances sociales.
F-35 et droits de douane Arthur Grosjean est correspondant politique au Palais fédéral depuis août 2011. Il exerce la profession de journaliste depuis plus de 35 ans. Il a occupé diverses fonctions comme chef de rubrique (Suisse, Genève) et rédacteur en chef adjoint de la Tribune de Genève. Il a commencé sa carrière comme responsable des communes genevoises avant de s'occuper successivement de la politique de la Ville de Genève et celle du canton de Genève. Il écrit pour la Tribune de Genève, 24 Heures et le Matin Dimanche. Plus d'infos @arthurflash
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